Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Les Esprits Libres

Les Esprits Libres

Association de l'Université de Cergy-Pontoise Conférences / Débats / Journal étudiant


Levons le voile de la laïcité

Publié par Les Esprits Libres sur 15 Mai 2017, 11:50am

Catégories : #Journal, #Edition Mai 2017, #Dossier Tolérance

 Si la laïcité semble être claire juridiquement, un certain nombre de responsables politiques n’hésitent pas à déformer le principe afin de séduire un électorat populiste.

     Alors que la France est meurtrie par le terrorisme islamiste et que les valeurs de la République se trouvent menacées par le fanatisme religieux, le sacro-saint principe de laïcité apparait comme l’opium du peuple. Si la laïcité s’est érigée au sommet des valeurs fondamentales  en se juxtaposant au triptyque républicain (liberté, égalité et fraternité),  il n’en demeure pas moins vrai que la confusion règne autour de cette notion. Cette confusion est d’ailleurs alimentée par l’instrumentalisation de la laïcité par le politique qui obscurcit la notion.  

     La laïcité parait définitivement acquise et acceptée par tous mais le débat politique autour de cette notion provoque un chaos intellectuel. On en propose des conceptions diverses, voir opposées. Chacun l’interprète librement en fonction de ses désirs en la détournant de sa signification première. D’un côté, certains politiciens de métiers insisteront sur la neutralité du service public à l’égard du religieux, puis opposeront laïcité et liberté de culte (le premier devant restreindre le second au nom de la sauvegarde de l’identité nationale) ; d’un autre côté, certains regarderont la laïcité comme une prolongation de la liberté de conscience en ce que l’Etat doit respecter les croyances et faciliter les pratiques, tenant compte du pluralisme culturel. Dans les deux cas, la laïcité est une notion instrumentalisée et interprétée de manière extensive.

Place de la République - 13 novembre

Place de la République - 13 novembre

Un éclairage neutre sur la laïcité 

     Si l’article premier de la Constitution dispose que la France est une République laïque, il n’en a pas toujours été ainsi. Depuis 1801, l’Etat entretenait des relations avec l’Eglise sous le régime concordataire. Mais au cours du XIX é siècle, deux idéologies totalement opposées provoquent une situation explosive. L’Assemblée Nationale est alors le théâtre d’un affrontement autour de la question de la séparation des Eglises et de l’Etat. Dès lors un débat houleux oppose les partisans d’une politique profondément anticléricale menés par Emile Combes qui visent à contrôler les cultes et à éliminer la religion de l’espace public, ainsi que ceux comme Aristide Briand  qui défendent une laïcité respectueuse des libertés individuelles et qui prônent une séparation stricte des sphères religieuses et étatiques. C’est dans cette seconde conception que la loi de 1905 puise ses racines. Ce texte a le mérite d’être pacificateur puisqu’il met fin à un siècle de conflit. 

 

     La République laïque repose sur plusieurs piliers qui découlent de cette loi de 1905, de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et de la Constitution de 1958. Le premier pilier repose sur la liberté de conscience et la liberté de culte. Ainsi, les citoyens sont libres de croire ou de ne pas croire, de changer de religion ou de ne plus en avoir. Par conséquent, la laïcité n’est pas l’absence de religion dans l’espace public mais c’est au contraire un principe qui permet aux citoyens d’exprimer leur conviction religieuse chez eux mais aussi dans l’espace public dans la limite du respect de l’ordre public. La laïcité repose aussi sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat en vertu de laquelle la République ne reconnait, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. Le troisième pilier consiste en la neutralité de l’Etat. Elle concerne en réalité les agents de l’Etat et du service public comme les fonctionnaires mais exclue ses usagers. Enfin, le dernier pilier affirme l’égalité de tous les citoyens devant la loi et le service public quel que soit leur conviction. Si le principe parait clair à première vue, deux lois récentes viennent brouiller les pistes et rendent le principe moins intelligible.  En 2004, une loi interdit aux élèves des écoles, des collèges et lycées publics, le port de signe par lesquels ils manifestent ostensiblement une conviction religieuse. Si cette loi est destinée à protéger l’école des affrontements inter-religieux, ses opposants considèrent qu’il s’agit d’une mauvaise interprétation de la séparation des Eglises et de l’Etat. La loi de 2010 sur l’interdiction de la dissimulation du visage dans l’espace public vise indirectement le voile intégrale mais n’est pas plus fondée sur la laïcité. Elle se justifie par un objectif de sécurité et d’ordre public. Malgré ces deux dernières lois et au vu de ce qui précède, la laïcité apparait comme un principe aux vertus pacificatrices, permettant le vivre ensemble et le respect des convictions.

La laïcité : Une interprétation tronquée à des fins électoralistes

     Alors que la laïcité est censée garantir la liberté de culte, « le combat pour la défense des valeurs de la France laïque glisse peu à peu vers la négation de la religion. Notamment chez ceux à qui l’islam fait peur » selon le fondateur de la sociologie de la laïcité, Jean Baubérot.  Il faut sans doute rappeler que la laïcité est avant tout la neutralité religieuse de l’Etat et cette neutralité ne doit pas être reléguée à la sphère privée. Elle s’applique aux agents du service public et exclue ainsi les personnes privées qui peuvent manifester leur religion sur la voie publique. Les concepts de République et de laïcité ressemblent parfois à des concepts philosophiques ou idéologiques lorsqu’un politique les évoque dans son discours. Et c’est surement à partir de là que commence toute la confusion qui règne autour de la laïcité. La confusion provoquée par le politique et entretenue par les journalistes mercantiles auxquels la signification de ces notions, pourtant fondamentales, échappent. 

 

     Si, dans un contexte de menace terroriste, on ne peut pas compter sur la masturbation intellectuelle afin de soulager les tensions, le droit joue bien son rôle afin d’atténuer les confusions ou d’affirmer les principes. L’affaire du burkini en est l’illustration parfaite alors que cet accoutrement venu de l’Australie avait provoqué une hystérie collective, le Conseil d’Etat, saisi par la ligue des droits de l’homme, s’est prononcé le 26 aout dernier contre l’arrêté « anti-burkini » de Villeneuve-Loubet. L’ordonnance du Conseil d’Etat est claire : « l’arrêté litigieux a (…) porté atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales que sont la liberté d’aller et venir, la liberté de conscience et la liberté personnelle ». Au regard de cet arrêt du Conseil d’Etat, la liberté de conscience apparait encore une fois comme un principe garantie par la République et que seul le trouble à l’ordre public peut justifier sa limitation. En l’espèce un tel trouble n’était pas caractérisé. 

 

     Si la laïcité semble être claire juridiquement, un certain nombre de responsables politiques n’hésitent pas à déformer le principe afin de séduire un électorat populiste. D’autres, conscients de la barrière législative, vont plus loin en proposant des lois telles que l’interdiction du voile à l’université ! Certains tenteront peut être de briser la barrière constitutionnelle en interdisant toute manifestation des convictions religieuse dans l’espace public. Dans tous les cas le débat politique à l’approche de l’élection présidentielle s’annonce passionnant et intellectuellement enrichissant : Entre le voile et le repas halal à la cantine, le choix reste varié ! Vivement 2017. Affaire à suivre.

 

Akash MOHAMED HELAL (en collaboration avec Sofian BOUZERARA)

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article

Archives

Nous sommes sociaux !

Articles récents